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Garde à vue : "Les avocats ne sont que des cautions, rien de plus"


JUSTICE - La garde à vue, inconstitutionnelle ? C'est la question à laquelle doit répondre le Conseil constitutionnel le 30 juillet prochain. Me Despieghelaere, bâtonnier de l'ordre des avocats de Lille, explique l'enjeu, une véritable assistance juridique dès le commissariat. Interview.

Pourquoi ce recours au Conseil constitutionnel seulement maintenant ?
Grâce à la question prioritaire de constitutionnalité : c'est la possibilité, à l'occasion d'un litige spécifique, d'examiner la compatibilité d'un texte de loi avec la constitution. Elle est ouverte aux particuliers depuis le 1er mars 2010, si l'argument est sérieux et pas encore tranché par le Conseil constitutionnel. Dès le 2 mars, à Lille, et dans d'autres grandes villes de France, le barreau s'est emparé d'un dossier de comparution immédiate pour contester la constitutionnalité de la garde à vue. Comme nous avons été une dizaine à faire la même chose, le Conseil constitutionnel a groupé les dossiers et a entendu nos plaidoiries le 20 juillet dernier.

Que reprochez-vous à la garde à vue ?
La constitution énonce un certain nombre de principes essentiels quant à la garantie des droits de la défense et d'un procès équitable. Or, le gardé à vue est laissé à lui-même, il n'a même pas le droit au début d'une défense, alors qu'il fait l'objet d'une accusation. Aujourd'hui, l'avocat en garde à vue assure une présence, pas une assistance.L'avocat a le droit de s'entretenir avec le gardé à vue si celui-ci en fait la demande, une demi-heure, pas plus. L'avocat ne connaît pas le dossier, n'y a pas accès, il peut tout au plus rappeler au gardé à vue ses droits, le droit de garder le silence, par exemple. Nous sommes des cautions, rien de plus.

Mais les policiers craignent de moins résoudre d'affaires si les avocats assistent les gardés à vue...
En France, on cultive l'aveu comme le mode de preuve suprême. C'est notre tradition. La preuve matérielle va seulement renforcer l'aveu. Mais l'aveu comme la base de tout, c'est un peu court. Surtout lorsqu'on obtient ces aveux hors de la présence de quelqu'un qui apporte la contradiction. La garde à vue est éprouvante, fouille à corps, cellule crasseuse, avec des gens que vous n'avez pas forcément envie de rencontrer. On va vous réveiller à tout moment pour vous interroger. Et un policier vous expliquera gentiment, au plus vite vous aurez avoué, au plus vite vous serez libéré. C'est une situation viciée dès le départ. Pensez à l'affaire Patrick Dils, par exemple, où il a eu la pire difficulté pour faire reconnaître son innocence [Il a été condamné à la réclusion à perpétuité pour le meurte de deux enfants à Montigny-les-Metz, avant d'être innocenté, NDLR]  Nous voulons que l'avocat soit actif dès le début de la procédure, qu'il puisse par exemple demander des actes complémentaires lors de l'enquête préliminaire [pour vérifier un alibi, par exemple, NDLR]. Ou vérifier la transcription des propos sur le procès-verbal.

Vous insistez également sur le fait que tout le monde peut se retrouver en garde à vue...
Il y a eu un million de gardés à vue en 2009, soit une progression de 60 à 70% par rapport à 98/99, tout territoire et infraction confondus.Et ceci, essentiellement pour établir de la statistique. Le nombre de gardes à vue est devenue un moyen de vérifier l'efficacité des services de police. C'est comme si vous vouliez mesurer l'efficacité d'un tribunal au nombre d'années de prison qu'il octroie en une après-midi : c'est stupide.

Si le Conseil constitutionnel déclare la garde à vue non conforme aux principes constitutionnels, que va-t-il se passer ?
Cela représentera un énorme boulot  pour nous, les avocats, avec une présence accrue dans les commissariats. Mais nous y sommes prêts. Dès l'instant qu'on est placé en garde à vue, c'est le début d'une procédure qui peut mener au procès. Elle doit être équitable de bout en bout.

Recueilli par Stéphanie Maurice