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Othmane, devenu majeur, donc expulsable


SOCIÉTÉ - «Libérez Othmane !» Ce matin, ils étaient une cinquantaine d'élèves et d'enseignants du lycée professionnel Duhamel de Loos-lez-Lille devant le centre de rétention de Lesquin, dans la banlieue de Lille. Tous réunis pour s'opposer à l'expulsion d'Othmane Loukil, 19 ans, un jeune Algérien qui prépare son CAP menuisier-fabricant. Il n'a pas obtenu le renouvellement de son titre de séjour, puisqu'il était devenu majeur, et sans raison de rester en France, selon la préfecture. Après la mobilisation, la réaction : il vient d'être relâché, cet après-midi. 

Othmane Loukil était arrivé en France en 2006, d'Algérie. Il a été recueilli par l'Aide sociale à l'enfance (ASE), installé dans un parcours qualifiant, suivi par un éducateur spécialisé, Lazare Bennaceur. Celui-ci est indigné :«Il bénéficie d'un accueil provisoire jeune majeur délivré par le Conseil général [accordé aux moins de 21 ans sans soutien familial, ndlr]. Je sais bien que l'Etat et le Conseil général sont deux mondes différents, mais quand même !» Cet accueil provisoire permet à Othmane de continuer à bénéficier de l'ASE, et d'être hébergé dans un foyer. Le jeune homme est arrivé seul en France. «Il a fui un père qui a de gros problèmes psychiatriques, et qui avait des comportements violents», explique l'éducateur. Pourtant, le jugement du tribunal administratif de Lille, qui confirme l'obligation de quitter le territoire délivré par la préfecture, estime que Othmane peut retourner en Algérie car il y a de la famille.

Le cas d'Othmane n'est pas isolé. Lazare Bennaceur s'exclame : «Nous travaillons avec ces jeunes sur des parcours de formation, et ensuite, dès qu'ils ont 18 ans, ils n'existent plus. Nous avons l'impression d'un gâchis immense, tout cela parce que la carte de séjour n'est pas renouvelée.» Le proviseur du lycée Duhamel insiste sur le bon travail d'Othmane Loukil, qui, un CAP de menuisier-installateur en poche, avait choisi de continuer son parcours scolaire en passant un CAP de menuisier-fabricant. «L'employeur chez qui il a fait son stage était prêt à l'embaucher». 

Du côté des lycéens, le sentiment d'injustice prédominait ce matin : les amis racontent un jeune homme qui craignait d'être renvoyé en Algérie, évitait Euralille à cause de la fréquence des contrôles policiers et ne se promenait jamais en groupe, pour ne pas attirer l'attention.  Ils ont du mal à comprendre que tout à l'heure, peut-être, leur pote sera dans l'avion. «J'étais avec lui y a encore deux jours ! Il n'a pas commis de problèmes. Pour un contrôle de papiers, le remettre là-bas, c'est pas possible.»

Lazare Bennaceur soupire : «On ne peut plus accepter ces pratiques. Il y a des valeurs de la République qui ne sont pas uniquement des symboles.» Aujourd'hui, la mobilisation a payé. La préfecture confirme la remise en liberté et précise que le jeune homme a "été victime d’usurpation d’identité de la part d’individus qui ont tenté à plusieurs reprises de lui attribuer de nombreux délits". Le préfet a  donc décidé de lui "attribuer à titre dérogatoire un titre de séjour permettant, comme l'intéressé le souhaite, de terminer ses études."

Stéphanie Maurice