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«Si je parle de ça à mes parents, c’est une tarte dans la gueule»


SANTÉ  - Doutes et certitudes de lycéennes de Lomme, dans la banlieue lilloise, à propos du Pass contraception de Ségolène Royal.

«Pour une fois, Ségo, elle fait un truc bien. Remarque, j’avais voté pour Ségo, moi, dans ma tête», dit Prisca. Il est un peu plus de midi, elles chauffent au soleil d’automne, sur les marches d’une sculpture de briques. On est à Lomme, banlieue populaire de Lille, entre le lycée Sonia-Delaunay, qui prépare à la vente, au secrétariat, au stylisme, et le lycée Jean-Prouvé, génie civil et bâtiment. Des yeux bleus, verts, des minois jolis, des piercings… Abigaïl et Pascale portent un rouge à lèvres noir, des étoiles et des larmes autour des yeux.

Alors? L’idée du «pass contraception» de Ségolène Royal en Poitou-Charentes, si on l’appliquait en région Nord-Pas-de-Calais, championne de France des grossesses précoces ? «Ben oui, c’est une bonne idée, dit une affranchie. Les filles enceintes, ça arrive. Une fois, une fille s’est effondrée au milieu du couloir. Elle était enceinte, mais personne ne le savait, elle n’avait pas osé le dire à ses parents. Elle portait des vêtements larges.» Elles savent que l’infirmière peut donner la pilule du lendemain. «Sauf qu’elle est pas efficace à 100%», dit une plus timide. Elle lève les yeux vers sa copine : «Et la pilule-pilule [la contraceptive, ndlr], elle marche bien ?»

Le problème, c’est d’oser en parler à l’infirmière. «Elles disent qu’elles gardent le secret professionnel, mais on a peur qu’elles le gardent pas», dit une brune. Elles reconnaissent qu’elles ne racontent pas tout : «En début d’année, en entretien, elle nous demande si on fume, on lui dit non, on a peur qu’elle le dise aux parents. On a toujours une crainte. Ça irait si c’était quelqu’un d’autre qu’on voit pas tous les jours, mais elle, non, on la croise dans le couloir.» Ce qui n’empêche pas une timide d’aller chercher des préservatifs à l’infirmerie. «Enfin, j’envoie une copine. J’ai peur qu’elle repère ma tête.» Un garçon s’approche pour papoter, elles lui disent d’aller plus loin, discussion de filles.

Et la pilule ? «J’en ai parlé à mes parents. Mon père a dit que je devais la prendre, et puis c’est tout.
- Je peux en discuter avec ma mère, pas avec mon père, et comme il faut qu’il soit d’accord… on n’en a pas parlé.
- Pour l’instant, c’est pas utile, je m’en occuperai quand j’aurai 17 ans.

- Ouais, mais imagine, t’as un copain…

- Pas envie d’imaginer.

- Il y a le Planning familial, normalement ça doit exister dans toutes les villes, non ?
- Ouais, mais si on sait pas où c’est, si c’est trop loin?
- Oui, mais regarde, M., c’est impossible qu’elle en parle à ses parents.
- Là, c’est chaud patate !»

Elles reconnaissent qu’on peut parler entre copines, «mais la copine, elle peut pas signer d’ordonnance». Bref, l’infirmière et son pass, ça peut être pratique.

Et si on a peur d’être enceinte ? «Oh la la ! Les miens, si je parle de ça, ils pètent un plomb. Une tarte dans la gueule… Déjà que je peux pas leur parler de relations sexuelles !» pouffe Mélina. Une autre : «Ma sœur, y a pas longtemps, elle vomissait. Ma mère disait : "Si elle est enceinte, j’en veux pas ici !"» Mélissa hausse les épaules. Aller chez le médecin n’est pas un problème : «Je peux le cacher si je veux. A 16 ans, j’ai ma carte Vitale, je vais chez le médecin toute seule. Demain, j’y vais pour une otite, ou pour renouveler mes séances de kiné, je peux lui demander la pilule, mes parents ne seront pas au courant.» Une seule reconnaît avoir demandé la pilule du lendemain à l’infirmière. «J’ai pas honte.» Elle prend la pilule. «Tu l’as eu où ?»«Ben, au Planning ! D’ailleurs, j’y retourne, je me fais poser un implant, la pilule, je l’oubliais tout le temps, ça n’allait pas.» Elle a appris l’existence du Planning familial au collège : «Une dame est venue dans la classe.» Elle trouve que le pass de l’infirmière serait utile «pour les autres, pas pour moi».

Soudain, elles sont ailleurs, mortes de rire : de l’autre côté de la place, c’est Benjamin, le trisomique d’une vingtaine d’années de la maison d’en face, «notre mascotte, supergentil». Il ramasse des feuilles de platane, les glisse sous son blouson, et se fabrique un gros ventre. «Fais pas ça Benjamin, tu vas avoir des maladies !» «Tu vas avoir des bêtes !» Il se balade, ventre en avant, les mains dessus. Une fille se lève, va lui faire un câlin. «Hé, Benjamin, t’attends un bébé ?» Lui  : «Un peu, oui.»

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