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L’entraîneur de foot, un «pépère avec une brioche», était en cavale


SPORT - Vraiment pas de veine. L’escroc Noël Sedeaud, 58 ans, qui s’était rebaptisé Richard Martinet, pensait avoir trouvé une planque tranquille : entraîneur des seniors d’un club de foot amateur, à Denain, près de Valenciennes (Nord). Mais à peine était-il embauché, début juillet, que le consciencieux webmaster du site internet de l’US Denain mettait en ligne la photo du nouvel arrivant. Le pépin.

Photo de portable. Sedeaud a été immédiatement reconnu par la PJ de Nice, qui le recherchait activement. Les policiers ont cependant dû patienter jusqu’à la reprise de la saison footballistique : le faux entraîneur a été arrêté lundi dernier à l’entrée du stade Bayard, où l’attendaient ses joueurs. Depuis, mi-figue, mi-raisin, le staff de l’US Denain se repasse en boucle l’histoire. «Il a été pris en photo avec un portable, il ne l’a pas remarqué, raconte le barman de la buvette. Il m’avait dit qu’il ne viendrait pas à l’assemblée générale parce qu’il y avait des photographes, des journalistes, qu’il n’aimait pas ça, qu’il préférait travailler dans son coin.»

Il est 18 h 30, ce jeudi soir, c’est l’heure de l’entraînement, les footballeurs viennent saluer leurs dirigeants. Et les vannent. «Alors, c’est quoi cette boulette, vous avez embauché un truand ?», rigole l’un d’eux. Un autre fanfaronne : «Il m’a volé 5 000 euros, comment je fais ?» Le vice-président du club, Olivier Guillermain, soupire : « Je travaille dans une grande surface, je me suis fait charrier ce matin. On m’a dit : "Comment ça se fait que vous ne l’ayez pas soupçonné ?"Mais le mec était fort. Tu ne pouvais pas voir que c’était un escroc. C’était un pépère, avec une petite brioche.» Pas comme on les voit à la télé. Guillermain secoue la tête : «Il n’avait pas de bagouzes aux mains, rien.» Sa voiture, une Twingo ; ses vêtements, un jogging. «On ne voyait pas qu’il était riche», confie Frédéric Dursin, le président. «Pourtant, il disait qu’il ne travaillait plus, car il avait gagné un gros tiercé.»

Détenu à Arras. Noël Sedeaud était en cavale depuis 2007. Condamné à sept ans de prison en 2005 pour escroquerie et emprisonné à Arras, il avait profité de sa liberté conditionnelle pour s’évader. «C’est un joueur professionnel qui s’y connaît bien en tiercé», explique-t-on du côté de la police judiciaire de Lille. «Il gagne la confiance de gérants de PMU et de clients, impressionnés par ses gains. On lui prête alors de l’argent pour jouer avec lui, mais s’il gagne gros, il empoche tout et disparaît.»

C’est ce qu’il entreprenait de faire sur la Côte-d’Azur quand il est tombé sur des pigeons un peu trop costauds. «Ça s’est mal passé pour lui. C’est pour cela qu’il est remonté dans le Nord de façon un peu précipitée. La police judiciaire de Nice le recherchait en fait comme victime, car elle avait besoin de son témoignage.» L’homme s’était déjà fait passer pour un entraîneur, en 1983, et en avait profité pour se faire avancer l’argent des équipements sportifs. «C’était un ancien footballeur, alors il brillait facilement», précise la PJ. En juin il a répondu à deux petites annonces de l’hebdo la Voix des sports, deux clubs qui recherchaient un entraîneur, Bergues et Denain. «Il ne la ramenait pas, se souvient Frédéric Dursin. Il y a des gens qui disent avoir tout fait. Il n’était pas comme cela, et on a vu tout de suite qu’il s’y connaissait en football. Nous avions comme objectif de reformer notre équipe, avec plus de rigueur dans l’entraînement. Le fait qu’il soit âgé, que ce soit quelqu’un de l’extérieur, sans a priori sur le groupe, cela nous plaisait. On s’est fié à lui. Il nous a expliqué qu’il revenait dans le Nord car son fils était malade. On n’a pas posé de question.»

Silence demandé. Aussi, quand Frédéric Dursin est convoqué au commissariat à la mi-juillet, il n’en revient-il pas : «Ils étaient une dizaine, la PJ, la brigade financière. Ils m’ont présenté la photo de Martinet. "Vous le connaissez ?" J’ai répondu : "Mais oui, on vient de le recruter !".» Le président n’avait qu’un numéro de portable, pas d’adresse : les policiers lui ont demandé de garder le silence jusqu’à l’interpellation, programmée au retour de l’escroc. «Nous avions fixé la reprise au 17 août. Il a entraîné normalement toute la semaine dernière. C’était peut-être un charlatan mais il avait bien préparé, avec un petit cahier où étaient notés les exercices», soupire le président. L’arrestation s’est déroulée sans heurts, juste avant une séance. Olivier Guillermain remarque : «Les joueurs ont été déçus quand on leur a dit qu’il était indisponible. C’est un peu regrettable, cette histoire. L’entraînement était bon.»

Stéphanie Maurice