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«Nos élus ont la boulimie des usines à risque»


TERRE - Alors, le projet de terminal méthanier dans la zone du Clipon à Dunkerque, c'est plié? Pas encore, mais le préfet du Nord a signé un permis de construire pour autoriser EDF à démarrer les travaux. Alors Jean Sename, président de l'Adelfa (1), craint que les opposants au projet, troublés, se démobilisent. Il peste au passage contre le manque de soutien des élus. Interview.

Le préfet a signé le permis de construire du terminal méthanier du port de Dunkerque, fin juillet. Votre combat contre le projet est terminé?

L'affaire n'est pas encore réglée. Cette signature n'est qu'une mesure administrative de la part du préfet. Le projet de terminal méthanier a donné lieu à un débat public, en 2007. Ensuite les différents services de l'Etat s'expriment. On est toujours dans cette phase. Les divers ministères n'ont pas encore rendu leur copie, en tous cas, on n'en a pas eu connaissance. Ensuite, si le projet est mis en oeuvre, il doit y avoir enquête publique, et la population est consultée. Il s'agit en effet d'un site Seveso seuil haut. Le préfet peut demander un complément d'enquête, ce n'est qu'après qu'il prend sa décision. Elle interviendra au mieux en avril 2010, car on nous annonce que l'enquête publique devrait démarrer à l'automne. Le problème, c'est que le préfet octroie un permis de construire, et le proclame haut et fort, ce qui jette le trouble. Pour quelqu'un qui n'est pas au courant des subtilités de la machine administrative, c'est ambigu.

Vous voulez dire que les habitants risquent de baisser les bras?

Oui. On peut dire qu'EDF a joué finement. Il y a là un effet démobilisateur qui me semble pernicieux. Depuis que cette signature du préfet a été rendue publique, plusieurs personnes, y compris des politiques que j'ai rencontrés pas plus tard qu'hier, m'ont dit «Alors, c'est fait? Le préfet a pris sa décision?». Ce qui ajoute à l'ambiguïté, c'est que le projet de terminal méthanier du Verdon, à côté de Bordeaux, lui, a été rejeté, l'Etat n'a pas donné son feu vert. Car le Verdon, c'est la proximité avec le Médoc, c'est en face de Royan, et Dominique Bussereau, ministre, est originaire du secteur est s'est prononcé contre.

Et ici?

Ici, manque de bol, nos élus ont la boulimie du développement industriel tous azimuts, et en particulier des usines à risque. Comme si on était voué à les voir croître et embellir. Ce sont toujours les mêmes qui sont les moins bien nantis sur le plan environnemental, et les moins bien défendus par les élus. Il y a une sorte de discrimination de fait : c'est le Nord-Pas-de-Calais, alors, on peut y aller, on n'est pas regardant. Ça ferait alors le quatorzième site Seveso sur la zone!

L'argument, c'est l'emploi.

Même pas. On prévoit un millier d'emplois pendant deux ans pour la construction du terminal, mais après, il suffira de 50 personnes pour le faire tourner. Non, ici, l'argument, c'est la taxe professionnelle, alors qu'on nous annonce qu'elle va être supprimée.

Etes-vous contre un terminal méthanier ou contre celui-là?

On plaide pour un terminal off-shore, comme il en existe un au large de Venise. On nous dit qu'il y a une intense circulation de bateaux, mais il y a des zones où, en raison du sable, les bateaux ne circulent pas.

Quels sont les arguments en faveur d'un terminal off-shore?

D'abord, ça évite de stériliser un des derniers espaces naturels à l'ouest de l'agglomération, lieu de passage et d'observation des oiseaux migrateurs connu. Ensuite, ça créée beaucoup moins de risque. En plus, ça handicapera moins les opérations maritimes : en effet, dans l'actuel projet, quand un méthanier arrivera à quai, en gros deux fois par semaine, pendant une à deux heures, les opérations maritimes seront paralysées, car aucun bateau ne pourra approcher à moins de 2 kilomètres par mesure de sécurité. Rien de tel dans le cas d'un terminal off-shore. Nous sommes bien suivis par les habitants, nous avons déjà recueilli 3000 signatures dans le cadre du collectif Sauvons le Clipon. Il n'y a pas que des écolos purs et durs, il y a les adeptes des sports de glisse, les surfriders, les pêcheurs.

Envisagez vous un recours au tribunal administratif contre le permis de constuire?

On a regardé de près les textes. Il nous semble qu'un permis de construire ne peut être accordé pour une installation classée qu'après enquête publique. Mais la réglementation a changé récemment. Elle n'était peut-être pas en vigueur quand EDF a fait sa demande au préfet, en février. Un juriste travaille sur le sujet pour nous. On peut supposer que le préfet a assuré ses arrières. Si ce n'était pas le cas, nous irions au tribunal administratif.

Et pour l'enquête publique, vous êtes prêts?

On a fourbi nos armes. Le commissaire enquêteur ne va pas s'ennuyer.

Recueilli par Haydée Sabéran

AU NOM DE LA LOI  - A la préfecture, on souligne que Jean-Michel Bérard, préfet, se contente d'appliquer le code de l'urbanisme en accordant, le 28 juillet, un permis de construire à EDF pour édifier un terminal méthanier sur la zone du Clipon. «Cette décision positive fait suite à la demande déposée par EDF le 19 février 2009. Le préfet avait jusqu'au 5 août pour se prononcer. Cet arrêté relatif à la construction a été pris sur le fondement des règles du code de l'urbanisme. Il ne préjuge pas de l'autorisation de l'exploitation sollicitée parallèlement par EDF au titre de la réglementation des installations classées pour l'environnement. Cette procédure est en effet indépendante de celle suivie au titre de l'urbanisme. Elle comprendra une enquête publique qui devrait intervenir à l'automne».

(1) Assemblée pour la