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Sharif, Afghan de boxe bientôt Français


SOCIETE - C’est l’histoire d’un fils de berger afghan qui monte sur un ring, à Tourcoing. Un môme de 17 ans qui va devenir français après un match de boxe. Samedi soir, Sharif Hassanzade, 17 ans, mineur étranger, expulsable à sa majorité, est devenu le premier Afghan champion de France espoir de boxe française. Dès dimanche, son histoire faisait le tour du pays.

«Bête médiatique». Le jeune homme est transformé en «bête médiatique», raconte son éducateur et entraîneur, Bruno Cardoso. Et lundi soir, Eric Besson, ministre de l’Intégration et de l’Identité nationale, annonçait par communiqué que Sharif Hassanzade serait régularisé à 18 ans, et qu’il pourrait obtenir la nationalité française s’il la demandait. «On lui avait dit : "Si tu réussis, ça t’ouvrira des portes." Mais on ne pensait pas que ça irait aussi vite» , avoue le président de son club, le Punch boxe française-savate tourquennois, Aïssa Maroufi.

Sharif est un ado de 14 ans quand il arrive à Lille par une filière de passeurs. Peut-être sur le chemin de Londres, la ville promise des migrants de son pays. De son voyage, il refuse de dire un mot, insiste son éducateur. Les migrants racontent rarement ce que leur font subir les passeurs. Ceux qui frappent les jeunes qui n’avancent pas assez vite dans la montagne, qui vous nourrissent peu, qui vous glissent sous un camion, accroché par des ceintures, voire qui vous font travailler en attendant de vous faire passer, et parfois tuent. En France, le pays est nouveau, la langue inconnue, le voyage un mauvais souvenir, les parents très loin. Le jeune, «perdu» , est placé par une assistante sociale au foyer d’accueil d’urgence Mosaïque de Tourcoing.

En plus des cours de français, on lui propose la boxe française «pour penser à autre chose», raconte Bruno Cardoso, qui le rencontre à ce moment-là. «Il y a eu une très grosse accroche avec Sharif, il a été très bien accueilli par le petit groupe. Il faudrait être inhumain pour pas accueillir un gamin avec une histoire comme ça.» Le jeune éducateur (25 ans) raconte à sa place - les services de l’Aide sociale à l’enfance n’ont pas souhaité que Sharif Hassanzade, très sollicité par les journalistes, réponde aux questions de Libération : «Je l’ai pris à part et je lui ai parlé de tout ce que m’avait apporté la boxe française, à moi qui ai grandi dans un quartier sensible : ça m’a cadré, apporté une vie professionnelle, et même une vie amoureuse.»

«Charisme.» Au bout de six mois pourtant, le jeune Afghan doit quitter le club, le foyer ne le garde pas; il y a des cas plus urgents que le sien. On veut l’envoyer à Dunkerque. «Je n’ai pas compris, se rappelle Bruno Cardoso. Je me suis battu pour qu’il reste à Tourcoing.» Il lui trouve une place dans un foyer de la ville où il est éducateur spécialisé et devient son éducateur, «comme un papa ou une maman, sans l’autorité parentale. Je m’assure qu’il va bien à l’école, qu’il prépare un projet de vie, qu’il ne fait pas de bêtises.» Sharif n’en commet pas. «Il a la tête sur les épaules et un vrai charisme auprès des autres jeunes» , dit Christophe Kindt, responsable éducatif du foyer. Il raconte que le gamin n’attend qu’une chose : pouvoir envoyer de l’argent aux parents réfugiés au Pakistan et ne comprend pas pourquoi on ne le laisse pas travailler. «Il pourra le faire dès qu’il aura son Bafa (brevet d’aptitude à la fonction d’animateur)», dit Bruno Cardoso. Au club, il s’entraîne six jours sur sept, de 20 heures à 22 heures. «Et puis il court, il fait de la corde. Ça fait 20 heures d’entraînement hebdomadaire en tout».

Premier match en compétition, première victoire, le 22 novembre dernier à Hellemmes, dans la banlieue de Lille, en catégorie super-légers (moins de 65 kilos). «Ça a été rapide, raconte Aïssa Maroufi le président de son club. Son adversaire était hors combat à la deuxième reprise.» Six matchs plus tard, il est en finale à Sainte-Anne-d’Auray, dans le Morbihan, et gagne. «Sept combats, sept victoires depuis novembre, pour un jeune de son âge, ce n’est pas rien. C’est sa volonté qui fait tout ça, pense Aïssa Maroufi. Il était assez costaud quand il est arrivé, puissant. Maintenant il est souple, précis, très technicien». En plus, il a «un mental d’acier. Quand il est sur un ring, il fait les choses jusqu’au bout, il se lâche», dit son président qui précise que, à l’inverse, dans la vie, il est «calme et gentil».

Interviewé par RTL, le jeune homme se souvient que dans son lit, les premiers soirs en France, il lisait son dictionnaire français-persan. Il veut «devenir éducateur sportif et monter sur le ring pour représenter la France aux championnats d’Europe, aux championnats du monde. Porter les couleurs de la France, chanter la Marseillaise». Dans son foyer, il y a deux autres mineurs étrangers, un Indien et un Algérien. Ils craignent l’expulsion à leur majorité. Sharif se fait «du souci pour eux car ils n’ont pas la boxe pour les aider».

Haydée Sabéran