Comparateur de rachat de crédit

«C'est le retour du mandarinat»


UNIVERSITÉ - Demain matin, les enseignants et les enseignants-chercheurs de Lille 1 déposent les copies (corrigées) des examens du second semestre au rectorat. Et pas dans leurs secrétariats pédagogiques, comme ils en ont l'habitude. Belle pagaille en perspective. Ils veulent ainsi montrer qu'ils sont un rouage essentiel de l'Université, et qu'ils aimeraient être consultés sur la réforme de leur statut. Interview de Claire Bornais, enseignante et secrétaire adjointe à Lille 1 du Snesup, syndicat de l'enseignement supérieur.

Pourquoi vous opposez-vous au projet de décret réformant le statut d'enseignant-chercheur ?
Il prévoit que désormais, les carrières seront gérées localement de A à Z, les promotions ne dépendront plus d'un échelon national, mais seront essentiellement le pouvoir du président d'université. C'est le retour du mandarinat, clairement.

Est-ce votre seule raison d'opposition ?
Non. L'autre modification importante, c'est la modulation possible des obligations de service. Aujourd'hui, l'enseignant-chercheur doit assurer un volume quantifié d'heures d'enseignement, en présence d'étudiants. Avec le projet de réforme, ce volume horaire pourra être modulé à la hausse ou à la baisse, en fonction de la qualité de la recherche menée. Un enseignant-chercheur dont on estime la recherche intéressante pourra voir ses heures d'enseignement diminuer. Cette modulation des horaires sera décidée localement, même si l'évaluation des recherches sera menée par un niveau national, le Conseil national des universités.

Quelles dérives craignez-vous ?
Cette possibilité met les uns et les autres en concurrence permanente. En majorité, les enseignants-chercheurs aimeraient avoir plus de temps pour leurs recherches. Ils risquent de désigner les collègues dont ils estiment les recherches moins pertinentes, pour assurer les heures d'enseignement. Avec tout le respect que je dois à mes collègues, cela va pourrir l'ambiance, et c'est d'une complexité épouvantable à mettre en place. De plus, si certains ont plus d'heures d'enseignement, ils ne pourront pas s'investir dans leurs recherches, ils seront alors moins bien évalués, et verront encore leurs heures de cours augmenter. Nous craignons le cercle vicieux.
De plus, cette coupure entre l'enseignement et la recherche est dangereuse : comment transmettre aux étudiants ce qui se fait de nouveau dans telle ou telle discipline si on n'assiste pas aux colloques ? Le risque, c'est une baisse de qualité de l'enseignement.

Ce projet de réforme arrive dans un contexte que vous estimez fragile...
L'année dernière, Lille 1 était considérée en situation de sous-encadrement. Cette année, nous avons 60 postes en trop. Huit ont déjà été supprimés, trois d'enseignants-chercheurs, cinq en administratif. Entre les deux, le mode de calcul a changé : on n'est plus sur un système d'analyse des besoins, mais on répartit les postes prévus à la loi de finance entre les différentes universités, au prorata de leur poids. Ce poids est calculé selon les étudiants inscrits. Un étudiant-ingénieur pèse plus qu'un étudiant en maths, car il va plus manipuler et donc avoir besoin de plus de moyens. L'étudiant en maths, lui, pèse plus qu'un étudiant en sociologie. Si votre université pèse 4% de l'ensemble, vous aurez donc 4% des postes prévus au budget. Pour nous, les universités sont en situation d'asphyxie, et, pour récupérer des marges de manoeuvre, elles n'ont qu'une solution, l'augmentation des droits d'inscription.

Propos recueillis par S.M.