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SDF : "Je ne connais personne qui ne veut pas d'abri"


SOCIETE- Obliger les sans-abri à rejoindre un hébergement d'urgence les soirs de grand froid ? "La dernière chose à faire", tranche Patrick Pailleux, directeur de l'Abej, l'une des plus importantes structures d'accueil et de suivi des SDF sur Lille. C'est méconnaître, explique-t-il, la manière de penser des gens vivant à la rue. "Quand on est sans-abri, on est à la merci de n'importe qui." Et partager une chambre ou un dortoir avec des inconnus, c'est courir un risque trop important.

Pour Patrick Pailleux, plutôt que de forcer les SDF à changer d'attitude, il vaudrait mieux réformer les hébergements d'urgence."Nous avons deux centres d'accueil, pour nous, c'est évident, ce sont des chambres individuelles. Les sans-abri ont besoin d'un espace où on va respecter leur besoin de sécurité et d'intimité. Un endroit où ils peuvent se sentir citoyen, être humain à part entière." Mais les hébergements ne fonctionnent pas forcément sur ce modèle, et Patrick Pailleux critique "les contraintes horaires datant du Moyen-Age." Il explique : "On oblige les gens à rentrer à 22h. Qu'est-ce qui justifie cela ? Ceux-ci peuvent avoir des problèmes d'addiction, et arriver en retard, recevoir un avertissement. Au bout du troisième, ils sont virés." Il conclut : "Le système est pensé pour sa propre protection, pas pour la protection des personnes hébergées. Le dispositif a besoin de se mettre en question, c'est un gros travail."

Il reconnaît qu'il lui est déjà arrivé de "contraindre certains d'entre eux à se soigner", parfois avec le recours "de la force publique." "Ils n'étaient plus à même de se rendre compte ce qui était bon pour eux, ils ne se mettaient pas à l'abri quand il pleuvait, à cause de leur état mental." Pas d'autre choix que l'internement et "ils nous disaient merci à la sortie", affirme-t-il. C'est le seul cas de figure où la contrainte lui paraît nécessaire. Il insiste : "Je ne connais personne qui ne veut pas être à l'abri. Cela n'existe pas."

Propos recueillis par S.M.