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Plan Campus : Lille veut encore y croire


ÉDUCATION - Il y avait dix places, Lille est arrivé onzième. Envolés les 780 millions d'euros qui devaient retaper l'image de l'université lilloise sur le marché mondial. Echec? Non, assure Jean-Claude Dupas, président de l’université des sciences humaines de Lille 3. «La balle est toujours en jeu. L'aventure continue». Allusion à «Campus prometteur», lot de consolation des recalés du plan Campus, au premier rang desquels se situe Lille.

Avec ses collègues de Lille 1 -sciences- et Lille 2 -droit et santé-, Jean-Claude Dupas est allé voir Valérie Pécresse pour plaider la cause de Lille, mi septembre. Début octobre, les parlementaires de la région lilloise, à l’initiative du sénateur communiste Ivan Renar en tête, ont fait pareil. Résultat, la ministre aurait assuré qu'elle allait réfléchir.

Débrouille.
S’il ne se passe rien, les universités lilloises risquent de se traîner encore des années. «Les bâtiments vieillissent, on n’a pas assez de place», raconte Perrine, étudiante à la fac de droit, et syndicaliste chez Sud. «A Lille 2, c'est la débrouille, les étudiants sont assis sur les marches des amphis, on va chercher des chaises dans les salles voisines. Il y a de l'argent pour corriger les effets de la crise financière, alors pourquoi pas pour moderniser les universités?»

La onzième place est d’autant plus perçue comme une injustice que la région a souffert. «C’est plus qu’un label. C'est important pour notre population, une question de dignité», estime Ivan Renar «et un label avec des sous, c'est mieux». Pour un enseignant-chercheur de Lille 1 qui préfère rester anonyme, l’injustice repose sur «l’idée un peu hard qu’au lieu d’identifier les besoins les plus cruciaux, on met les gens en concurrence. Le résultat, c’est de grosses sommes d’argent pour peu de monde» «Une forme de chantage» renchérit Perrine. «On nous dit :"on vous donne de l'argent si vous appliquez la loi d'autonomie avec ambition". La carotte pour plus de partenariats public privé, de professionnalisation. Or de l'argent, il nous en faut simplement parce que nous en avons besoin.» Elle craint que les droits d'inscription augmentent et  que le budget formation «fonde, au profit de la rénovation des bâtiments».

Qu'est-ce qui a péché? «Les trois universités ne se sont pas présentées unies au premier tour», raconte le prof de Lille 1. «Et les politiques n’avaient pas défini de projet». Les élus pensent, eux, que les universitaires les ont tenus au courant trop tard. Au deuxième tour, du coup, une moindre longueur d’avance. Des handicaps structurels, aussi, pense Ivan Renar. «On a la recherche en entreprise la plus faible de France» rappelle le sénateur communiste. Thierry Lazaro, député UMP, ajoute : «On a longtemps été une région dinvasions. Les industries stratégiques sont au sud». Et puis, estime Jean-Claude Dupas, les lillois n'étaient pas en avance sur le Pôle recherche et de l'enseignement supérieur, qui regroupe une partie des mêmes acteurs. Le prof de Lille 1, lui, pense qu’on punit Lille et ses universités pour leur hostilité à la loi LRU : «ça se chuchote».

Ensuite, le refus de faire entrer la Catho et ses 20.000 étudiants –pour 80.000 dans les trois universités publiques-, dans le jeu, malgré les souhaits des collectivités. «Je n'ai rien contre, indique le sénateur Ivan Renar. On va pas entamer une guerre de religion». Même topo pour Michel-François Delannoy, maire socialiste de Tourcoing, et vice président de Lille Métropole chargé de l’économie. Les autres présidents d'université, eux, freinent.

Perrine, l'étudiante de Sud, est sur la même ligne, sur ce sujet : «La Catho n'a pas à intégrer les projets des universités publiques.  Elle est très bien financée, avec des formations cotées, et chères.». Entre 1800 et 4500 euros l’année, selon le budget familial. De fait, le campus de la Catho, dans Lille, et ses bâtiments néo-gothiques du 19ème, fait plus chic que le béton tristounet de Lille 3. Thérèse Lebrun, recteur de l’Université catholique, tempêre, elle n’est «pas sûre» que la présence de la Catho aurait suffi pour l’emporter. «Mais il y a eu une perte de chance, comme en médecine, quand on ne fait pas un geste médical».

Parité.
En attendant, les élus nordistes ont foncé dans les bureaux de Pécresse, des communistes à la Verte Blandin en passant par l’historique Pierre Mauroy et l’UMP Thierry Lazaro. «On a assez de sujets sous la main pour se taper sur la gueule. Là, on s’est dit «il faut qu’on fasse quelque chose ensemble», lâche le sarkoziste. «De mémoire de ministère, on n'avait jamais vu ça» leur aurait glissé Pécresse. Les collectivités, Région, Département, Métropole, acceptent de donner ensemble un euro pour chaque euro de l’Etat. Combien en faudra-t-il pour en sortir par le haut ? La réponse dans les dix à quinze jours à venir. Thierry Lazaro : «On peut toujours rêver.»

Haydée Sabéran