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Chez Aubry, Delanoë ne veut pas perdre le Nord


POLITIQUE - En juin, elle était venue le chercher en gare de Lille. Pas cette fois-ci. A l’époque, Martine Aubry accueillait, en personne et en grande pompe médiatique, Bertrand Delanoë dans sa ville. A l’époque, tous deux envisageaient encore de convoler politiquement. Depuis, ils ont, chacun de leur côté, déposé une motion, aligné grands élus et patrons de fédérations, dégainé leurs argumentaires. Mais toujours dans une franche camaraderie : «Nous restons très amis», assurait hier, le pied à peine posé en terre lilloise, le maire de Paris. La preuve : «Martine, que j’ai vue ce matin, m’a embrassé !»

La veille, la même «Martine» s’était d’ailleurs fendue d’un mot doux pour son concurrent, soulignant les «différences» entre sa motion, qui «propose un autre système», et celle de Delanoë, qui «pense qu’il suffit de corriger les dégâts du libéralisme»…

Barons. C’est donc sous ces fraternels auspices que s’ouvrait l’incursion de Delanoë sur les terres de la puissante fédération du Nord, qui vote, d’habitude, à plus de 60 % pour le candidat des barons locaux. Cette fois-ci, Aubry. Mais cette dernière, à en croire l’équipe de Delanoë, n’aurait pas le monopole du Nord. «Il n’y a aucune fédération interdite, rappelle Francis Chouat, proche du maire de Paris. Les choses ne sont pas pliées d’avance. Il y a un travail de conviction à opérer partout.» Et Delanoë s’y attache, épargnant sa concurrente, mais s’en prenant à son hétéroclite équipage, constitué avec les amis de Laurent Fabius, Arnaud Montebourg et DSK. «Pendant des semaines, j’ai proposé à Martine de faire une contribution avec elle. Elle m’a dit : "Plus tard". Par la suite, pour la motion, elle m’a dit : "Je te le promets." A la fin, Martine n’a pas souhaité l’accord politique avec moi. Elle a fait un choix de partenaires. J’imagine que ça a un sens politique.» Façon de laisser planer le doute.

Accueilli au siège de la fédération par le monument historique du PS local, Pierre Mauroy - qui n’a jamais manifesté un enthousiasme délirant dans son soutien à Aubry -, Delanoë joue de bonne guerre la carte du «militant». Celui qui, justement, «a la carte du PS depuis trente-six ans». Corde localement sensible, qu’avaient exploitée, pour chauffer la salle, deux députés dissidents, Michel Delebarre et Bernard Roman, chantant les louanges de Delanoë pour son «immense respect des militants», sa «clarté» et son «respect des décisions du parti». Une allusion à l’échappée solitaire de Fabius sur le référendum européen, fort peu goûtée ici par des adhérents plutôt légitimistes.

«Fidélité». Un peu plus tôt, Delanoë s’était employé à désamorcer les attaques en vogue chez ses concurrents. Sur son archaïsme, lui, l’héritier de Lionel Jospin, allié de Michel Rocard et François Hollande : «Je suis fier d’incarner la fidélité. On ne bâtit rien sur la trahison, ni sur l’infidélité.» Sur son «libéralisme» revendiqué au printemps et plus malvenu quand la crise fut venue : «Oui, je suis un soldat de la liberté. Dans la France de Nicolas Sarkozy, je conseille de ne pas oublier ce devoir-là.» Et de s’offrir un joli tacle à l’égard de l’ex-patron de Bercy, Fabius : «Je ne suis pas de ceux qui, en charge des Finances, suggéraient des baisses d’impôts, même pour les classes favorisées, ni de ne pas être trop sévères en taxation sur les stock-options. Vous voyez ?»

David Revault d'Allones