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Mellick se dit victime d'antisémitisme, sans convaincre


POLITIQUE - Cent soixante voix de différence, et un siège de maire qui s'échappe, le 16 mars dernier : Jacques Mellick, à Béthune, ne s'avoue pas encore battu et défend son recours devant le tribunal administratif de Lille. Il demande l'annulation du scrutin. Principal argument : l'équipe de Stéphane Saint-André, victorieuse des municipales, aurait fait courir le bruit que Jacques Mellick était juif, pour le discréditer auprès de l'électorat nord-africain, affirme l'intéressé. Ce qui aurait, assure-t-il, faussé le résultat des élections.

Le mémoire déposé par la défense de l'ancien ministre socialiste n'a pas convaincu le commissaire du gouvernement, indépendant, qui donne son opinion sur tous les dossiers traités devant cette juridiction. Jugement rendu dans une semaine.

Dans la petite salle du tribunal, ils ont chacun leur côté, séparés par leurs avocats respectifs. Stéphane Saint-André parle à l'oreille de son défenseur, se rencogne dans son siège. Tendu, corps en avant, comme prêt à bondir, Jacques Mellick est concentré sur les mots de son avocat, Me Cattoir. Ce dernier dénonce «l'effet dévastateur de ce type de rumeurs», antisémites, sur un électorat d'origine maghrébine, entre les deux tours de l'élection. Il évoque également un tract, arborant l'étoile de David et le slogan «Tout sauf Mellick le juif», que son client affirme avoir trouvé glissé sous sa porte.

Problème, comme le remarque, malicieux, le commissaire du gouvernement, ce tract, rédigé au marqueur noir, n'a été vu par personne d'autre, à part quelques militants socialistes, qui en ont ramassé une dizaine d'exemplaires par terre.  Aucun journaliste, aucune association vigilante à ce genre de dérapages n'en parlent. «Il n'y a visiblement pas eu de distribution publique», note le commissaire du gouvernement, «et il y a eu un seul destinataire, M. Mellick, dont le sens du vote n'aura pas été remis en cause par ce tract.» Quant aux différents témoignages, il les estime bien tardifs, la plupart datant de cet été. On retiendra à ce sujet que le président du tribunal a rappelé à l'ensemble des parties qu'un faux témoignage est un délit, et qu'il ne s'interdisait pas de saisir l'instance idoine si nécessaire.

On-dit. Mais le noeud de l'affaire se concentre sur un on-dit : Jacques Mellick affirme qu'entre les deux tours, un témoin lui a rapporté la scène suivante. Elle se déroule au café le Chantilly, dans un quartier où vit une forte communauté d'origine maghrébine. «Jean-René Boutinon [colistier de Stéphane Saint-André, NDLR] s'est emporté sournoisement. Il disait, vous connaissez la place Yitzhak Rabin à Béthune, vous savez qui est Rabin ? C'est un juif. Et la bibliothèque Elie Wiesel ? C'est un juif aussi. Il y a un troisième juif à Béthune, c'est Mellick. Vous n'allez pas voter pour lui», raconte-t-il devant le tribunal. Il ajoute : «C'est pour moi une question d'honneur, de morale, quand on constate une multiplication des actes d'antisémitisme, encore ce week-end.»

Le commissaire du gouvernement tacle ce récit : «Pour moi, les témoignages produits n'apportent rien à l'établissement de la vérite. Ensuite, si les faits sont établis, il faudra savoir s'ils portent atteinte à la sincérité du scrutin. Des propos de comptoir, ou tenus dans une réunion publique, n'ont pas la même portée. Ensuite, il n'est pas prouvé que l'électorat d'origine nord-africaine, à supposer qu'il existerait de façon homogène, aurait une résistance particulière à apporter son suffrage à un candidat d'origine juive.» De son avis, donc, Jacques Mellick devrait être débouté de sa demande. Au tribunal, désormais, de trancher. A la sortie, Me Cattoir espérait encore en vantant «l'indépendance d'esprit» du président du tribunal, et annonçait déjà sa volonté de faire appel de la décision, si elle était négative, devant le Conseil d'Etat. Une stratégie qui avait déjà été payante pour Jacques Mellick, qui avait ainsi réussi à faire annuler l'élection de Bernard Seux aux municipales de 2001.

S.M.