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Après le feu, Paris-Londres à sens unique


SOCIÉTÉ - Le week-end à Londres, ce n’est pas gagné après l’incendie survenu jeudi après-midi dans le tunnel sous la Manche. Mieux vaut miser sur le ferry. Aucun Eurostar ne circulait vendredi après-midi, et le trafic passager ne devait reprendre que samedi matin, et encore, au compte-gouttes SOCIÉTÉ - Le week-end à Londres, ce n’est pas gagné après l’incendie survenu jeudi après-midi dans le tunnel sous la Manche. Mieux vaut miser sur le ferry. Aucun Eurostar ne circulait vendredi après-midi, et le trafic passager ne devait reprendre que samedi matin, .

Des retards nombreux sont à prévoir, et certains trains peuvent être supprimés. Un numéro vert a été mis à la disposition des voyageurs, le 0800-130-130. Il ne reste plus qu’une seule voie utilisable, le tunnel sud, dans le sens France-Angleterre, par lequel il faudra écouler les 48 000 voyageurs journaliers. Le tunnel nord, lui, a été ravagé sur 700 mètres par un violent incendie, qui s’est déclenché jeudi après-midi, sur une navette transportant 27 poids lourds. Il faudra plusieurs semaines pour le remettre en état.

L’alerte a été donnée à 15 h 55, quand le convoi était à 12 kilomètres de son point d’arrivée, Coquelles (Pas-de-Calais), sur la côte française. «Une alarme incendie s’est déclenchée dans le poste du conducteur du train, puis, cinq secondes plus tard, dans le centre de contrôle. Celui-ci a alors demandé au conducteur d’opérer un arrêt contrôlé pour que le club-car, le wagon où se trouvaient les chauffeurs des poids lourds, s’arrête devant les portes de passage menant au tunnel de secours. Ce tunnel est en surpression : ni l’air, ni les flammes, ni même la chaleur ne peuvent pénétrer à l’intérieur», explique l’attachée de presse d’Eurotunnel. Elle regrette le mouvement de panique qui a saisi les 32 hommes coincés à l’intérieur de la navette : ils ont cassé les vitres et se sont précipités dehors. Six d’entre eux ont été intoxiqués légèrement, ils ont quitté l’hôpital vendredi après-midi, selon la préfecture.

«Il faut en fait rester confiné, le temps que nous mettons en marche la climatisation pour évacuer les fumées», explique-t-on à Eurotunnel. Le procureur de la République de Boulogne-sur-Mer (Nord), Gérald Lesigne, chargé de l’enquête sur le sinistre, précise : «A priori, une des deux portes de sortie du wagon ne fonctionnait pas. Cependant, les procédures d’évacuation ont été réalisées avec efficacité, au vu du dégagement de fumée.» L’organisation des secours, qui se mobilisent des deux côtés de la Manche, est bien rôdée avec un exercice grandeur nature tous les ans.

«1 000 degrés». C’est un camion qui a pris feu, pour une raison encore inexpliquée. La supposition d’une surchauffe du système de freinage du poids lourd paraît «hautement improbable» aux pompiers. Ce que confirme Gérald Lesigne : «C’est une hypothèse aventurée. Nous n’avons aucune indication sur les causes du départ d’incendie.» Il s’est produit sur le cinquième plateau, qui transportait un semi-remorque et deux vans. Seules certitudes : l’origine est accidentelle, et la responsabilité du matériel ferroviaire n’est pas engagée. «Les bruits d’explosions entendus peuvent être celles des pneumatiques ou des réservoirs de carburant», précise le procureur.

Ce n’est que vendredi, en fin de matinée, que les 180 pompiers français et anglais ont maîtrisé les flammes, après près de vingt heures de lutte. «La température est montée jusqu’à 1 000 degrés, explique-t-on au Service départemental d’incendie et de secours du Pas-de-Calais. Les hommes ne pouvaient pas rester plus d’une dizaine de minutes face au feu, la rotation a été importante.» Les secours disposaient de la liste des matériaux dangereux embarqués, dont 100 kilos de phénol, très toxique, dans un chargement de cosmétiques. «Mais ce n’était pas une quantité importante, et il s’est évaporé dans les airs dès le début», souligne-t-on au service d’incendie.

Ferries. A 14 heures, Eurotunnel a commencé la vérification du tunnel sud, celui qui est resté intact, pour relancer la circulation transmanche. Car la situation est tendue. Eurostar, le consortium franco-anglo-belge qui gère les trains, a dû trouver des chambres d’hôtel pour environ 300 voyageurs restés en rade jeudi soir à Paris et à Lille. Vendredi, il a conclu un accord avec Seafrance, la compagnie de ferries, et les passagers ont pu traverser la Manche, en bateau, sans payer à nouveau un billet.

Dans le sens France-Angleterre, en tout cas. En Grande-Bretagne, c’est plus épique. Croisées à la gare Lille-Europe, Lisa et Aline, étudiantes qui cherchent à rejoindre Dijon (Côte-d’Or), témoignent : «Tout va bien depuis qu’on est en France ! Nous sommes parties de Londres jeudi avec l’Eurostar de 14 h 34. Nous avons roulé une heure, puis nous sommes restées immobilisées pendant une heure trente, tout cela pour faire demi-tour.» Ce qui les a le plus énervées, c’est l’inefficacité des agents Eurostar, à la gare de Saint-Pancras. «Ils ne parlaient même pas français.» Un agent d’accueil SNCF, qui les écoute avec attention, bombe le torse : «Nous, au moins, on parle anglais.» Les étudiantes ont voulu trouver un hôtel : «On fait plus de deux heures de queue devant l’office de réservation, on a laissé tomber. On a pris un bus vers Douvres.» Elles y sont arrivées dans la nuit, ont dormi dans la gare, avant de prendre un ferry tôt, vendredi matin. Tout cela à leurs frais, 36 euros chacune. Un groupe de dames anglaises veut tenter la traversée dans le sens inverse et s’inquiète : «Et à Douvres, nous faisons comment pour rejoindre Londres ?» Personne n’a de solution à proposer. Un cheminot glisse : «En Angleterre, ils s’en foutent.»

Stéphanie Maurice

Photo/Reuters : Gare Saint-Pancras de Londres, trains annulés jeudi, après l'incendie dans l'Eurotunnel