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A Bergues, le ch'ti bizness


SOCIETE - A la boucherie, la saucisse «Tchio Biloute» est devenue une spécialité de la maison. Quelques terrasses plus loin, la bien nommée «Pizza Beurg’» est dans toutes les assiettes. Même la boutique Lingerie Passion, aperçue quelques minutes dans le film de Dany Boon, arbore des photos du tournage sur sa devanture.

Depuis la sortie du film Bienvenue chez les Ch’tis, la petite ville de Bergues avec ses 4.300 habitants est envahie de touristes. Des gens du coin, des curieux de Belgique ou de Suisse et quelques aventuriers du sud de la France. Au compteur : 45.000 personnes depuis le début de l’année. Du jamais vu. Et une manne financière inespérée, sachant qu’en moyenne, les touristes dépensent 100 euros par couple.

Face à cette déferlante de touristes, les commerçants, chacun à leur manière, tentent de profiter de cette opportunité «inespérée». Saisir sa chance, comme elle vient. Voilà la philosophie qui règne à Bergues en ce moment.

Ni une, ni deux, en voyant les premiers touristes arriver, Dann, une jeune retraitée, a repris le travail. Artiste, elle dessine le beffroi de Bergues sur des chopes à bière. «Au départ, je pensais faire ça manière… Deux ou trois par jour» Depuis, record pulvérisé: 99 verres gravés dans la même journée. «Je n’arrête pas, je suis même obligée de refuser des commandes !» regrette-t-elle, dépassée par l’ampleur du phénomène. Et de souffler : «Si j’avais su, j’aurais commencé dès cet hiver. Pour prendre de l'avance.» Alors quand il a fallu trouver un local pour exposer son travail, elle n’a pas hésité une seconde. «Ben, on a enlevé la porte d’entrée, on a cassé le mur pour faire plus d’espace, et voilà mon nouvel atelier qui me sert aussi de boutique!» raconte t-elle, adossée à la petite porte qui donne sur son salon. La configuration donne le sourire. Pourtant, elle en dit long sur la manière dont les Berguois réagissent à la déferlante des touristes.

Dans sa confiserie, idéalement située au pied du Beffroi, Patricia Debrugne a, elle, longuement hésité avant de se lancer. Depuis deux semaines, elle a troqué sa vitrine d’œufs en chocolat pour des tee-shirts à l’effigie de Dany Boon. «Ma première idée, c’était de vendre des chocolats en forme de beffroi. Problème, fallait que j’en achète 110 tonnes à mon fournisseur pour qu’il rentabilise le moule… J’étais dégoûtée. Alors, j’ai décidé de vendre moi aussi des cadeaux souvenirs de Bergues…» Stock épuisé en 15 jours.

«Business is business», théorise-t-elle avec le sourire, satisfaite de voir enfin des journalistes entrer dans sa boutique. Car, quand les touristes débarquent à Bergues, les médias ne sont pas loin derrière. Les télés, les radios, et même la chaîne américaine CNN ont fait le déplacement. D’ailleurs, l’office du tourisme se transforme, à la demande, en service de presse. Pas besoin d’insister beaucoup pour rencontrer le très médiatique carillonneur, Jacques Martel. Invité favori des plateaux télés à la sortie du film, il se prête volontiers au jeu des caméras, quitte à monter plusieurs fois par jour les 193 marches du beffroi pour une prestation de carillon.

Du jour au lendemain, Bergues est devenue la patrie des ch’ti, le héraut de la culture des gens du nord et du sens de l’hospitalité. «Derrière, faut assurer, c’est pas toujours évident», confie une serveuse de la brasserie Le Lamartine. A 13h30, vendredi 15 août, la terrasse est pleine à craquer. Dans les cuisines, l’euphorie laisse place à la panique. Plus rien dans les frigos. Débordée, l’employée refuse les clients. «On n’a même plus de quoi vous faire une omelette, désolée». Et de glisser, plateau à la main: «C’est tous les jours comme ça. Et le patron n’a toujours pas embauché. No Comment».

Pour les propriétaires des bars et restaurants, le dilemme se pose avec acuité. Etoffer les équipes, investir dans les équipements, oui mais pour quel lendemain. «Au fond, on se dit que cette folie autour de Bergues est éphémère… analyse un restaurateur, essayant de se raisonner. Faut éviter de s’emballer trop vite. Ok aujourd’hui, on fait 50% de chiffre d’affaires en plus par rapport à l’été dernier. Mais, combien de temps ça va durer ?»


Marie Piquemal

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