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A Lille, des enseignants inquiets par la réforme des écoles de profs


ENSEIGNEMENT- «Je suis coincée : j’ai du mal à défendre les IUFM, et en même temps, ce qu’on nous prépare est à gerber.» Comme beaucoup de ses collègues, Cécile, institutrice à Arras et diplômée de l’Institut de formation des maîtres, est sceptique sur le projet de réforme des IUFM. Ils sont menacés de disparition au profit d’une formation en fac.

 Dans celui de Villeneuve-d’Ascq (Nord-Pas-de-Calais), le troisième de France, une centaine d’étudiants, professeurs des écoles et professeurs du secondaire dressaient, il y quelques jours, le bilan de leur stage à l’étranger, tout en échangeant leurs craintes sur l’avenir de la formation des enseignants.

Bizarrerie. Cécile est scandalisée par la formation au rabais qui se prépare, mais n’en peut plus des imperfections du système actuel : «La pédagogie, on en fait tout le temps, mais on n’en fait jamais, au fond. Je n’ai rien appris ici sur le développement psychologique de l’enfant.» Elle déplore aussi quelques bizarreries : «Les premiers recalés au concours sont inscrits sur des listes complémentaires, et ils font l’IUFM l’année d’après. Entre-temps, ils font des remplacements. Quand ils arrivent à l’IUFM, ils ont une année d’enseignement derrière eux, mais on n’en tient pas compte, ils ont les mêmes cours que nous. Pourtant, on nous dit que dans nos classes, on doit tenir compte des différences. Mais nos enseignants ne font pas ce qu’ils nous enseignent.» Arrive Edouard, futur prof d’histoire-géo, qui ne trouve pas plus mal qu’on balaie l’actuel système : «Deux heures d’entretien avec un inspecteur m’ont plus apporté que tout ce que j’ai appris à l’IUFM.»

Entre les deux, Suzie, Stéphane, Grégoire, Nolwenn, Sébastien, beaucoup de ces jeunes profs trouvent leurs études perfectibles, même si tout n’est pas à jeter. «J’apprécie d’avoir un retour de gens différents, et nombreux», dit Sébastien, instit à Arras. «Ça permet de piocher. Si on ne se bornait qu’à reproduire la façon de faire d’un maître, on n’arriverait pas à trouver le prof qu’on est.» Il craint la suite pour ses collègues : «La multiplicité des expériences, c’est ce qu’on risque de perdre. On trouve que notre formation n’est pas assez professionnalisante, elle risque de l’être encore moins Edouard, agacé par «le blabla» des formateurs «qui n’ont pas vu une classe depuis longtemps» explique: «Le compagnonnage, je suis à fond pour.» Catherine Morfouace, directrice adjointe : «Même si elle n’est pas sans défaut, notre formation a le mérite d’articuler tous les aspects de l’expérience du métier, l’acquisition d’une culture professionnelle et une réflexion sur la pratique. Avec le nouveau système, ils seront formés en trois mois ! Ça coûtera moins cher.»

Pasteur. La journée s’écoule, les profs stagiaires se retrouvent dans la grande salle pour évoquer leur stage à l’étranger. Sébastien raconte les étrangetés du système anglais, avec le pasteur du coin qui vient faire un speech, la tolérance au bruit ou celle face à l’élève qui ne fait rien. Il parle aussi des confortables conditions de travail, avec l’informatique, des bâtiments mieux équipés, des élèves valorisés, un esprit d’établissement fort, des équipes pédagogiques soudées.

Dans la salle, Nolwenn, prof de sciences physiques, de retour des Etats-Unis, chuchote : «Ce qu’on a vécu est d’une richesse incroyable, mais ça ne sera pas valorisé. Il faut pouvoir se dire "je l’ai fait pour moi."» De son côté Emilie résume : «On vous jette dans la piscine, et on vous apprend à nager en même temps.» Il se pourrait que bientôt, on se contente de les jeter dans la piscine.

Haydée Sabéran