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Calais, parcours d'une combattante


POLITIQUE - Ce n’est plus du tout le même bureau. Chez le maire d’avant, le communiste Jacky Hénin, c’était feutré, cuir, table basse, rien qui traînait. Chez Natacha Bouchart, 44 ans, la nouvelle maire de Calais (UMP), à la tête d’une coalition hétéroclite droite-gauche, c’est sans décorum, piles de documents sur les tables. Premiers pas de la maire de Calais. Elle parle décoration urbaine et cache-pots avec un architecte, deux adjoints, un technicien, le chef de cabinet. «Les bacs plastiques dénaturent l’ensemble. Il faudrait de la pierre bleue à l’emplacement de chaque support plastique», assène-t-elle. L’architecte veut «revoir l’esthétique de la ville, la rendre plus sympa». La maire insiste : «Vous validez les bacs en pierre bleue que j’ai choisis ?» POLITIQUE - Ce n’est plus du tout le même bureau. Chez le maire d’avant, le communiste Jacky Hénin, c’était feutré, cuir, table basse, rien qui traînait. Chez Natacha Bouchart, 44 ans, la nouvelle maire de Calais (UMP), à la tête d’une coalition hétéroclite droite-gauche, c’est sans décorum, piles de documents sur les tables. Premiers pas de la maire de Calais. Elle parle décoration urbaine et cache-pots avec un architecte, deux adjoints, un technicien, le chef de cabinet. «Les bacs plastiques dénaturent l’ensemble. Il faudrait de la pierre bleue à l’emplacement de chaque support plastique», assène-t-elle. L’architecte veut «revoir l’esthétique de la ville, la rendre plus sympa». La maire insiste : «

Amis encombrants. Natacha Bouchard le confie : elle s’était préparée «à ne pas gagner». Elle a dépassé 54 %. Victoire large. Ou plutôt défaite personnelle de l’ancien maire, grande gueule et jugé hautain. «Certains ont voté comme on joue au poker», soupire un électeur de gauche. Après trente-sept ans de règne communiste, Natacha Bouchart a dû faire face aux médias nationaux en bloc, découvrir les services municipaux et… un bureau vide : «J’ai dû reconstituer les dossiers dans les services.» L’ancien maire assure qu’il n’a emmené que son «travail personnel». Elle avertit : «Je ne suis pas la petite bonne femme naïve qui débarque.» Elle lit quand même, dans le regard des autres, qu’elle est une femme, «les premières minutes». Avec les chefs d’entreprise, dans les administrations, «c’est toujours UN préfet, UN sous-préfet, UN commissaire».

Haute comme trois pommes, perchée sur les talons compensés de ses espadrilles, à elle de prouver qu’elle est LA maire, malgré des amis encombrants. Son premier adjoint, Philippe Blet, exclu du PS pour avoir fait liste commune avec elle, est devenu président de la communauté d’agglomération. «C’est un tandem, une équipe», insiste-t-il, et prend la mouche si on glisse que le tandem pourrait exploser en route. Il a défilé dans les rues de Calais pour la défense des retraites. L’autre ami, Claude Demassieux, est son directeur de cabinet. Son ancien patron. Elle était chef du personnel au lycée privé Saint-Pierre de Calais. Lui, directeur. Son assistante parlementaire quand il était député. Il était éternel candidat de droite à la mairie de Calais, elle conseillère municipale UMP. A sa dernière défaite, il lui a proposé d’être candidate. «Elle m’a répondu : "Ça m’intéresse." Je lui ai dit : "Tu vas souffrir." Elle a dit : "Je sais."» Rôles inversés. «Pas qu’un peu», crâne-t-elle. Bizarrerie ? «Non, répond le dircab. Je l’ai formée, il est normal que je lui donne un coup de main.» Du coup, elle doit encore faire sa place. Elle y arrivera peut-être. A un journaliste qui posait une question à Claude Demassieux, elle claque : «C’est la conférence de presse du maire. Pour parler au directeur de cabinet, prenez rendez-vous.»

Son gros dossier : l’emploi. Ici, c’est 14 % de chômage, malgré le plus grand port de voyageurs de France et l’Angleterre à deux pas. Peu de diplômés. Elle assure que le simple fait de battre les communistes fait revenir les entreprises : «Avant, c’était la culture du conflit.» Sa première délibération a été pour le retour de la gratuité sur les parkings du centre-ville, gros thème de campagne. Elle est contente : «Les gens reviennent boire un verre à Calais.» L’ancien maire avait lancé plusieurs chantiers. La Cité internationale de la dentelle, lieu culturel consacré à ce tissu, elle adore, mais peste sur l’absence de parking, et une subvention qui pourrait sauter, à cause des retards. Victory Park, une montagne couverte pour faire du ski, elle aime moins, et veut la remplacer par une zone commerciale consacrée à la maison.

Chez les électeurs de gauche, il y a les persifleurs et les patients. Un persifleur : «C’est Demassieux qui décide. Ils s’attachent aux détails, n’ont pas d’idées sur les dossiers. Ils prennent le contre-pied de l’ancienne équipe sur tout. Jusqu’à choisir une table carrée si l’équipe d’Hénin se réunissait autour d’une table ronde.» Un patient : «Une bosseuse, entourée de bosseurs. Face aux services municipaux, elle est devant un mur. Je la trouve très calme, elle semble écouter.»

«Vieux citrons».
Natacha Bouchart a promu le directeur général des services adjoint à la direction des services, pour «travailler avec tout le monde». Elle a quand même dans le collimateur une soixantaine d’employés de mairie précaires, certains renouvelés tous les trois mois depuis dix-huit ans. Elle prévient que certains ne seront pas repris s’ils ne se forment pas ou ne veulent pas passer de concours. On parle d’une trentaine. Elle assure que le nombre peut être «entre zéro et 60». Jacky Hénin pronostique : «On va les jeter à la poubelle comme des vieux citrons.» Elle est intarissable sur les embauches : «Tout le monde sera traité de la même façon. Si l’ancien maire me chauffe là dessus, j’ai la liste des personnes embauchées, attachées aux anciens élus. La mère, le père, le frère, le cousin, c’est pas normal.» Elle prévient : «Il n’y aura pas de chasse aux sorcières, mais s’il y a faute professionnelle, il y a faute professionnelle.»

Haydée Sabéran

Photo : Olivier Touron