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A Liévin, les socialistes se rêvent en socialistes


POLITIQUE - Ils sont venus écouter Martine Aubry. Ils avaient envie qu'on les appelle socialistes, ils ont été servis. La foule des militants dans la salle immense, vieux assis, jeunes debout. En face, sans estrade, des élus du Nord et du Pas-de-Calais, en brochette, la maire de Lille au milieu, venue présenter sa contribution au congrès de Reims aux «militants». POLITIQUE - Ils sont venus écouter Martine Aubry. Ils avaient envie qu'on les appelle socialistes, ils ont été servis. La foule des militants dans la salle immense, vieux assis, jeunes debout. En face, sans estrade, des élus du Nord et du Pas-de-Calais, en brochette, la maire de Lille au milieu, venue présenter

Sur la fresque au mur, un peu kitsch, un chevalement, un terril, des mineurs, quelques scènes de la visite de Mitterrand à Liévin, et la tête énorme du vieux président qui sourit. Au mur, la photo du même, le buste de Jaurès, Marianne. Au cas où tu n'avais pas remarqué, ami socialiste, tu es ici chez toi. Bienvenue à Liévin, plus grosse section de la plus grosse fédé de France. S'il reste encore des ouvriers socialistes, ils sont par là.

Quand Aubry dit «si nous avons perdu les élections, c'est pas parce que nous avons trop défendu nos valeurs, mais parce que nous ne les avons pas assez défendues», le militant de base applaudit. Et encore quand elle dit qu'elle est fière des «congés payés, de l'abolition de la peine de mort, du pacs, des 35 heures, de la CMU». Sur Sarkozy, et son discours de Dakar, quand il dit aux Africains qu'ils n'ont pas d'histoire : «j'ai des amis burkinabés, béninois, j'avais honte», très applaudie. Les immigrés? «Nous n'avons pas toujours été clairs là-dessus. Ils ont défendu notre pays, aidé à construire notre économie. J'aimerais qu'on arrête de parler de stocks et de flux», applaudie. Sur l'entrave au regroupement familial : «Où est la France? Où est la fraternité?» Sur le travail du Réseau éducation sans frontières contre les expulsions de familles : «Ils disent "Ce n'est pas possible, ce sont les copains de nos enfants à l'école! Ce sont nos enfants!"». Applaudie. Elle ajoute que la directive européenne sur les 18 mois de détention des étrangers avec interdiction de revenir avant cinq ans est «scandaleuse», pareil sur la durée du travail à 60 heures.

Les 35 heures, ici : «le problème de la France, ce n'est pas le carcan des 35 heures, c'est le carcan du pouvoir d'achat» La «question sociale»? «Notre chance, dans le Nord-Pas-de-Calais, c'est qu'ici, nous ne pouvons pas l'oublier dit l'ancienne ministre de Jospin. Elle se souvient, un «choc», banquet à Barlin en 1991, première rencontre avec les militants du Pas-de-Calais, où on a chanté le Chiffon rouge. «Je ne peux pas vous dire combien ça m'a marquée». Elle ajoute : «Alors que la France va si mal, et qu'on nous dit "Où sont les socialos?" (référence à un coup de gueule de Josiane Balasko, ndlr), il faut revenir aux sources du socialisme, du combat ouvrier contre les injustices, trouver les réponses d'aujourd'hui». Signale qu'elle a fait la CMU en pensant aux gens du Nord-Pas-de-Calais, parce que quelqu'un lui a dit un jour : «J'ai pas de boulot parce que j'ai pas de dents».

Sur 2012, elle assure : «personnellement je ne vois rien, parce que les choses changent vite», mais promet que sur les contributions, elle veut bien «débattre, et même s'engueuler quand on n'est pas d'accord. On va le faire». Elle réclame quand même «une parole unique, à multiple voix», et assène : «ça fait dix ans que nous n'avons pas assez travaillé». Elle termine sur du Mitterrand : «rester présents et fidèles». La salle debout. Au fond, un petit groupe tente de lancer le Chiffon rouge, qui s'éteint avant la fin du premier couplet dans les bavardages et les bises. Direction le buffet et la pompe à bière. «C'était bien, on a besoin de punch, de se réveiller» dit Charline, veuve de mineur. Une dame, dans la foule : «Martine Aubry, je pensais pas la voir comme ça». Une autre à sa copine, mime le geste des bosseurs, le poing énergique à l'horizontale : «Y'était temps qu'on s'armue(1), hein!»

Haydée Sabéran

(1) «Il était temps qu'on se remue»

Photo Reuters/Pascal Rossignol