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Reclassé au Brésil, c'est pas le Pérou


ÉCO-TERRE - Viré, ou reclassé au Brésil. Alain Leclercq, 38 ans, cariste à Hénin-Beaumont, a le choix. Les assédic, ou le déménagement à Alfenas, au Brésil pour un salaire de 315 euros par mois, ou encore Bursa, en Turquie, pour 230. Ce n'est pas un poisson d'avril, c'est légal.

L'homme, père de trois enfants, marié à une femme au foyer, gagne «entre 1020 et 1030 euros bruts». On lui a proposé ce drôle de marché par courrier, le 29 mars, comme à six autres salariés de la teinturerie de fil polyester Staf, usine du groupe italien Sinterama. Avec les six autres salariés, il a jusqu'au 10 avril pour se décider. C'est tout vu. «Il est hors de question qu'on y aille. Et la boîte le sait. C'est comme si on nous proposait d'aller vivre dans le désert».

«C'est la loi française qui nous oblige à cela, répond Renzo Raggio, directeur des ressources humaines du groupe, en Italie. Nous n'avons pas d'emploi à proposer dans le groupe en Europe. Et il y a des licenciements en Italie». C'est lui qui a signé une proposition de reclassement ainsi rédigée : «Nous vous précisons que l'acceptation de cette proposition entraînerait la modification de votre contrat de travail pour motif économique. (...) Votre salaire serait équivalent à celui des ouvriers occupant le même poste dans chacun des pays concernés» Et s'il acceptait, on lui paierait au moins le voyage ? «Je ne me suis pas posé la question. J'attends la réponse des salariés».

Il invoque des pertes de marchés. «Nos clients belges, qui travaillent pour les Etats-Unis, souffrent de la parité euro-dollar qui leur est défavorable. Ils nous commandent moins de fil».

Dans l'usine, Alain Leclercq réfléchit déjà aux économies à faire : «L'internet, le portable. Les enfants adorent aller à la piscine tous les week-ends, ce sera un week-end sur deux. On avait prévu un voyage à Marseille cet été, on l'a annulé».  Le 1er avril, il avait poussé la porte de Jean Haja (PC), maire de Rouvroy, où il habite, pour lui montrer la lettre. «J'ai cru que c'était un poisson d'avril», dit le maire, qui réclame que l'entreprise rembourse les aides qu'elle a reçues de la Région Nord-Pas-de-Calais. «Cette aide de 170.700 euros était prévue pour 32 emplois (34 ont été créés, ndlr). Il y en a 27 au final. Que l'entreprise rembourse pour les emplois perdus».

A son arrivée en 1998, l'entreprise avait demandé 373.000 euros à la Région, pour la création de 70 emplois. Elle en a créé 34, la Région a payé pour 32. Faire rembourser les cinq manquants? «On ne peut pas, répond Pierre de Saintignon (PS) vice-président du Conseil régional chargé des affaires économiques, car l'entreprise est comptable pour cinq ans. C'est une règle de droit».

La teinturerie d'Hénin-Beaumont continue à travailler, et les sept salariés attendent le 15 avril pour savoir à quelle sauce ils seront mangés. «S'ils ne font pas une vraie proposition de reclassement, on réclame notre solde de tout compte pour le 25 avril. On veut pas de chichis ni de blabla», résume Alain Leclercq. En attendant, il n'en mène pas large. «J'ai l'impression d'avoir un pied dedans, un pied à côté».

Haydée Sabéran

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