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L'Etat ratiboise la culture


ASSOCIATIONS - Zéro. Rien, que dalle, au lieu des 7 000 euros attendus par Dynamo, l'antenne du Printemps de Bourges, chargée de sélectionner les meilleurs groupes régionaux pour les Découvertes de ce festival. La lettre de la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) du Nord-Pas-de-Calais, a été envoyée un mois avant le coup d'envoi. «On s'est dit, on fait quoi ? On arrête tout ou on fait notre boulot, on amène nos deux groupes, Curry and Coco et Roken is dodelijk, au Printemps ?», raconte Patrick Florent, responsable de l'antenne. Ils ont choisi de continuer, malgré le budget déjà bouclé et impossible à resserrer, et reviennent tout juste de ce festival de référence, où les musiciens ont collectionné les contacts. Un travail qui visiblement n'intéresse plus la Drac. «Notre grosse part d'activité est en avril», explique Patrick Florent. «Si au moins on l'avait su en décembre, on aurait pu anticiper.»

Mêmes coupes claires dans les budgets de l'Abattoir à Lillers, lieu historique du blues, paumé au milieu du Pas-de-Calais, et du café-musique Le Baladin à Torcy, en pleine zone rurale. Pas vraiment des coins de la région où l'offre culturelle est pléthorique.

A Lille, la Malterie, 30 ateliers d'artistes, 80 à 90 concerts par an (et du pointu, et de la découverte, du rock le plus sauvage à la musique improvisée), cinq locaux de répétition et un plateau pour résidences de danseurs et de plasticiens, n'échappe pas au coupe-coupe de la Drac : 36 000 euros en moins, 51% de la subvention qui tombe aux oubliettes, soit 8% du budget total. «En gros, on nous dit de faire la même chose, mais en nous donnant moitié moins», résume Aurélien Delbecq, le chargé de communication de la Malterie. «Je ne vois pas comment on va faire : on est cinq permanents équivalent temps plein, on devrait être le double, on est tous submergé de taf. Et les artistes, on les paye déjà au ras des pâquerettes.» Pourtant, même pour une tutelle pointilleuse, et qui ne regarderait pas la qualité du travail artistique (ce qu'on n'imagine pas de la Drac, faut-il le préciser ?), la Malterie tient la route économiquement parlant : cette ruche d'artistes génère plus d'un million d'euros de revenus, à mettre en rapport avec son budget de 300 000 euros.

Et la liste des victimes s'allonge régulièrement : le CMA, une école de musiques actuelles à Valenciennes ; le milieu de la danse également, avec Danse à Lille et Latitude contemporaine, qui tiennent conférence de presse ce vendredi.

«Qu'il y ait moins d'argent, on peut l'entendre», affirme Patrick Florent. «Ce que nous demandons, c'est préparer l'avenir, et comprendre les solutions que nous avons. Est-ce qu'il faut se regrouper, pour mutualiser les moyens ? Nous avons besoin d'un positionnement clair.» Pour la clarté, on repassera. Guillaume Léchevin, président du réseau Raoul, qui rassemble 17 salles de concerts en région, assène : «Nous constatons un manque total de transparence de l'Etat. Quel est le budget de la Drac ? On ne le sait pas. Quelle est la part consacrée aux musiques actuelles ? On ne le sait pas. Sur quelles critères ont été décidés les baisses de subvention ? On ne le sait pas.»

Contactée, la Drac se lance dans une belle valse-hésitations. Le budget ? «On ne peut pas le communiquer maintenant, je ne l'ai pas», affirme le chargé de communication. Y a-t-il une baisse du budget de la Drac ? «Je ne peux pas vous répondre. Vous jouez vraiment de malchance, tout le monde est à Paris pour une réunion sur la réorganisation des Drac. Ce que je peux vous dire, c'est que dans le secteur de la danse, les aides ont augmenté, même s'il y a eu une réorientation vers d'autres types d'actions.» Ce qui veut dire qu'il y aurait une nouvelle politique culturelle de l'Etat dans le Nord-Pas-de-Calais, qui privilégierait les grandes structures ? «Je suis confus, la directrice est seule habilitée à répondre.» Mais injoignable aujourd'hui.

Stéphanie Maurice