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«Les contrats aidés, mieux que rien»


SOCIAL - «On a un travail, puis l’Etat supprime les contrats, et après, on nous dit, eh bien, vous ne travaillez pas ?» Abdelaziz, ancien agent d’entretien au centre social de Lille-Moulins, ne décolère pas. Il est au chômage depuis le 24 janvier : son contrat d’accompagnement à l’emploi (CAE) n’a pas été renouvelé. Il n’est pas le seul.

«Sur la région, le budget consacré aux emplois aidés a baissé de 30 %», indique-t-on à la direction régional de l’ANPE. «Les CAE sont prioritairement signés avec les entreprises et les chantiers de réinsertion.» Les centres sociaux sont les premières victimes de la baisse des budgets. «L’ANPE m’a appelé pendant mes vacances pour me dire que les CAE, c’était fini», raconte Frédéric Dupré, le directeur du centre social de Moulins. «Nous avons 23 personnes qui en bénéficient. Et il n’y a plus rien de prévu pour eux après.» Les contrats d’avenir sont réservés aux bénéficiaires des minima sociaux et le contrat unique d’insertion voulu par Martin Hirsch, le haut-commissaire aux Solidarités actives, est encore en test. Pas d’autres solutions que les CDD ou CDI.

Abdelaziz ricane. A 45 ans, il a longtemps bossé en intérim dans le bâtiment, il s’y est cassé le dos. Une journée à porter des charges, désormais c’est trois mois d’arrêt-maladie. Alors trouver un vrai boulot, c’est comme décrocher la lune. Patricia passe le balai-serpillière dans le local petite enfance. ««Moi, je finis à 11 h 15. Après, je ne sais pas. Je ris parce que je n’aime pas être triste. Ça fait quatre ans que je fais des contrats aidés, c’est mieux que rien. Je n’ai pas envie de rester chez moi, au chômage, et surtout pas au RMI ! Mais j’ai 52 ans, ce sont les jeunes de 18 ans qui sont embauchés.»

«Moyen payé». Zorah, 42 ans, et Fatima, 43 ans, sont tout aussi inquiètes : elles aussi femmes de ménage, leur CAE s’achève début avril. «Je suis depuis huit ans en France», explique Zorah, voix douce et sourire timide. «Je ne parle pas très bien le français. Lorsque tu n’es pas née avec une langue, tu n’arrives pas bien à apprendre.» Elle aime son travail, le contact avec les enfants, «sortir de la maison et avoir un peu d’argent, même si c’est moyen payé», insiste-t-elle. Dans le cadre de son CAE, qui prévoit des temps de formation, elle suivait un cours d’alphabétisation. Comme Fatima, qui parle bien, mais ne sait ni lire, ni écrire. «Je ne suis pas feignante, mais je ne trouve pas de travail. Les contrats aidés, c’est socialiste ; mais maintenant, avec les lois de Sarkozy, c’est dur pour tout le monde, la loi est du côté des riches.» Pour Frédéric Dupré, le drame est là : avec la disparition des CAE, il manque la première marche vers l’insertion. Même s’il reconnaît que certaines associations choisissent ces contrats précaires, mal payés, à temps partiel, pour équilibrer leurs comptes. Son collègue du centre social de Lille-Sud, Rachid Sahli, partage la même rage. «Prendre des contrats aidés n’est pas un choix de gestion économique. A chaque personne en CAE, on garantit un accès à une qualification.»

Le centre social de Lille Sud a ainsi financé, entre 2005 et 2007, quatorze parcours BPJEPS (brevet professionnel de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport) soit 40 000 euros financés à moitié sur fonds propres. Et il a récupéré des jeunes qui quittaient les circuits scolaires.

«Vers le haut». Comme Samia, 23 ans. «J’ai eu le bac pro commerce, mais ça ne m’intéressait pas.» Elle a donné des coups de main gratuits au centre social. En remerciement, Rachid Sahli lui a offert de passer son Bafa, nécessaire pour encadrer les centres aérés. Un cadeau proposé aux bénévoles assidus. Elle l’a eu. En octobre 2005, elle commence un CAE de douze mois, pendant lequel elle décroche son BPJEPS. Désormais, elle est en contrat de professionnalisation depuis septembre, et tente le BTS assistante de gestion. «Nous, les centres sociaux, nous sommes des pompes aspirantes vers le haut, assène Rachid Sahli, mais nous assistons à une baisse de tous les moyens de l’Etat. La disparition des CAE, c’est 150 000 euros en moins, 10 % de mon budget qui saute.»

Stéphanie Maurice