Comparateur de rachat de crédit

«On a l'impression de régresser»


FONCTIONNAIRES - Ils vivent tous les deux en haut d'un immeuble tranquille à La Madeleine,  dans la banlieue de Lille, «côté bourgeois», reconnaît Benoît. Il fait frisquet dans le salon, entre les batiks et les masques africains, «c'est le chauffage qui a lâché», s'excuse Laurence. Benoît sert du café. Ça sonne. C'est la voisine, elle apporte un radiateur à roulettes, «ça vous dépannera». Bienvenue chez Laurence, 40 ans, et Benoît, 30 ans, fonctionnaires à la communauté urbaine de Lille, et aujourd'hui en grève.

Elle, ancienne graphiste, a commencé au Musée d'art moderne de Villeneuve d'Ascq, à la communication. Elle travaille à présent au service formation de la communauté, 1500 euros nets après 21 ans de maison. Elle aime son métier, mais ne progressera plus, catégorie C, comme les trois-quarts des gens dans les collectivités territoriales. «Ou alors, il faut passer les concours», un reçu sur dix.

Lui mesure les nuisances acoustiques automobiles, 1300 nets après 8 ans. «Étudiant, je disais que 10.000 francs par mois, ça irait. Aujourd'hui, j'y suis presque, et on est serré». Serré, c'est quand même un voyage au Togo par an, pour animer un bibliobus. «Sac au dos», précise Benoît. «La nuit on dort sur une natte, et on doit construire ses chiottes, mais ça ne me dérange pas». Serré, c'est aussi 750 euros par mois pour l'appartement  de 70 mètres carrés si près du bureau qu'on peut y aller à pied ou en vélo, leur seul luxe. Il y a aussi 67 euros de gaz et d'électricité, 130 rien qu'en taxe d'habitation, garage compris, 240 d'impôts sur le revenu, 100 de mutuelle. Laurence a calculé : rien qu'en pain, 30 euros par mois. «Et on ne veut pas manger n'importe quoi». Il a un portable, pas elle. Pas d'internet à la maison.

«On fait partie des classes moyennes, mais on a l'impression de régresser. Attention, on ne se plaint pas. On n'a pas d'enfant, pas de crédit. Mais on pense à ceux qui en ont». Ils ont l'intention de s'y mettre, pour le bébé et la maison. Mais Laurence n'a pas envie d'une petite maison ouvrière toute serrée, «qui vaut pas le prix». «Dans le quartier, c'est entre 2500 et 3500 euros le mètre carré». Fille d'agent d'assurances, elle a grandi dans une maison avec un jardin. Pareil pour Benoît, fils d'un chef d'entreprise. Ce qui ne les empêche pas de militer à la CGT tous les deux. «Je préfère être à ma place qu'à celle de l'ouvrier qui fait les trois-huit pour le même prix». Il pense aussi aux «gens en détresse, qui font leurs courses avec les tickets de la mairie, il y en a plein ici». Son frère, assistant réalisateur, «intermittent du spectacle à Paris, c'est au jour le jour, la vie de bohème». Et eux? «On a de plus en plus de responsabilités, on doit être de plus en plus polyvalents, puisque des postes sont supprimés, mais les salaires n'évoluent pas». Bientôt peut-être: il passe un concours en décembre. En attendant, il fait grève mardi, et sera à la manif lilloise avec Laurence.
H.S.

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